retraite:« La bataille des retraites va continuer »
Pour Roland Muzeau, porte-parole des députés communistes, républicains et citoyens, la promulgation de la loi par Nicolas Sarkozy masque mal la défaite idéologique de la droite.
Comment réagissez-vous à l’annonce en pleine nuit de la promulgation de la loi sur les retraites par le chef de l’État ?
Roland Muzeau. Promulguer n’est pas gagner. Le président de la République a choisi d’aller vite parce qu’il craint le mouvement populaire. Comme le pouvoir sait qu’il a perdu la bataille idéologique, il tente de contourner sa défaite par des artifices qui ne convainquent personne, comme on le voit avec l’illusion entretenue d’une nouvelle impulsion politique autour du remaniement. Mais rien ne changera puisque ce pouvoir est complètement soumis aux exigences de la logique boursière qui régit la planète.
Une fois la loi promulguée, avez-vous un sentiment d’échec après la rude bataille menée au Parlement ?
Roland Muzeau. Pas du tout. Il n’y a aucun abattement de la part de ceux qui se sont battus contre ce projet de loi, mais au contraire une volonté enracinée de ne pas laisser le pouvoir s’illusionner sur une victoire qu’il n’a pas obtenue. Sept Français sur dix continuent de refuser cette loi parce qu’ils la considèrent profondément injuste. Le gouvernement peut bien jouer Jean-Louis Borloo contre François Fillon ou bien l’inverse, rien n’y changera, il a perdu cette bataille idéologique.
Quel sens y a-t-il, après cette décision, à manifester le 23 novembre, comme en appelle l’intersyndicale ?
Roland Muzeau. Le mouvement social, quelles que soient les formes de son action, a l’immense mérite de continuer cette bataille pour montrer que d’autres solutions existent. Car le débat ne se résume pas à choisir entre le projet du gouvernement et celui du PS : il y a bien un troisième projet, qui est celui d’une autre répartition des richesses entre le capital et le travail. C’est le grand enseignement de cette extraordinaire bataille.
Nicolas Sarkozy se targue d’avoir sauvé le système par répartition. Que lui répondez-vous ?
Roland Muzeau. Les affirmations du président de la République sont mensongères. Tout le monde sait que, dès 2018, le financement du système des retraites n’est pas assuré, et que l’achèvement définitif du système par répartition se prépare avec la mise en place de comptes de retraite par points. L’aboutissement de cette réforme, c’est la volonté d’instaurer le système par capitalisation. Les campagnes de publicité des banques et des assurances invitant leurs clients à souscrire à des systèmes par capitalisation en se prévalant des dispositifs adoptés dans la loi sont tout à fait instructives sur ce point. C’est justement ce que refusent nos concitoyens.
Comment surmonter les divergences à gauche sur le contenu d’une autre réforme des retraites ?
Roland Muzeau. Il s’agit moins de surmonter les divergences que de trancher les débats. Eva Joly a indiqué qu’Europe Écologie était favorable à un allongement de la durée de cotisation à 42 ans, voire 44 ans. Le PS s’est prononcé pour l’allongement de la durée de cotisation. Il ne faut pas raconter d’histoires : il ne peut pas y avoir de retraite à 60 ans s’il y a allongement de la durée de cotisation au-delà de 40 ans. Ces discours trouveront leurs limites, car le mouvement populaire a pris cette question en main et il y a mis un contenu de société, de revenus, de moyens et de droits pour vivre cette retraite. Il refuse l’allongement de la durée de cotisation. Toute la gauche doit en tenir compte.