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23 Jul

Dublin, Manifestation au pays du « non »

Publié par secretaire de section

Dublin, Manifestation au pays du « non »

Deux mille personnes ont accueilli Sarkozy en réclamant une Europe protectrice contre le libre-échange et respectueuse du vote irlandais.

Drapeaux irlandais, français et européen déployés au-dessus de leur capot, ce sont les tracteurs de l’Association irlandaise des paysans (IFA) qui ont accueilli Nicolas Sarkozy à son arrivée au palais du taoiseach Brian Cowen. Les paysans arboraient des pancartes en français dans le texte, « Bienvenue Monsieur le président Sarkozy. Défendez les agriculteurs et l’alimentaire européens. Stop Mandelson sell-out (stoppez la braderie du commissaire Mandelson). Président Sarkozy, l’IFA vous remercie. » En ce premier jour de négociations de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), l’IFA entend mettre la pression sur Brian Cowen et Nicolas Sarkozy. Se sont joints à la manifestation les pêcheurs, mais aussi les militants du « non », pour qui le vote des Irlandais doit être respecté.

 

Nicolas Non veut dire Non

« Nous ne sommes pas des eurosceptiques. Nous sommes des paysans, justifie Billy Moore. Nous sommes là parce que l’UE ne nous prend pas au sérieux. ». « Nous n’avons rien contre l’UE, mais nous n’aimons pas qu’elle nous dise ce qu’il faut faire, se plaint son collègue Tim Sherman. Elle me dit comment nourrir mes cochons, mais ce n’est pas elle qui les nourrit. » Les deux paysans sont inquiets que les négociations à l’OMC puissent ouvrir la voie à des importations massives de viande moins chère et de moins bonne qualité, en provenance d’Amérique du Sud. « Cette viande ne correspond pas à nos standards de production », explique Billy Moore. La cinquantaine, les deux paysans ont l’expérience de l’institution internationale : « Les précédents accords ont tué la production de sucre dans l’île. » Perché sur la remorque de l’un des tracteurs, le président de l’IFA Padraig Walshe (rallié sur le tard aux partisans du traité de Lisbonne) égrène les conséquences des négociations telles que menées par le commissaire européen à la Concurrence : « Dans les négociations, Peter Mendelson a été un désastre. 50 000 fermiers vont devoir fermer leur exploitation. » Non loin, des pêcheurs critiquent la concurrence au sein de l’UE. « Les Français et Espagnols pêchent plus de poissons que nous, les Irlandais, dans nos propres eaux », se plaint Rodge Declan.

À l’arrière de la manifestation, les militants du « non » ont pris place. « Le traité de Lisbonne ouvre la voie à la privatisation de notre système éducatif et de santé gratuite », argumente le jeune socialiste Alexander Farley. Et ajoute : « Nous refusons la militarisation de l’UE. » « Ce pays a été le seul à voter. Cela aurait dû être le cas de tous. Je suis là pour que la décision des Irlandais soit respectée », s’enthousiasme Siegfried Pernhauser, qui a fait le déplacement depuis l’Autriche. « Dans mon pays, on a été des milliers à manifester pour un référendum. Rien », se plaint-il. À ses côtés, des militants portent des tee-shirts « 26 États membres se sont vu refuser un référendum ».

Dublin Sarkozy, un homme pressé

Irlande. Le président français, venu écouter les Irlandais, a dit qu’il « respectait » les partisans du « non » au traité de Lisbonne mais a principalement écouté les partisans du « oui ».

Pour sa visite éclair à Dublin, Nicolas Sarkozy a été accueilli par près de deux mille manifestants et des interpellations sans équivoque lues sur des pancartes brandies à son passage comme « Casse-toi Sarko. Le peuple a dit non », ou quelques variantes… Le président français a dit vouloir venir à Dublin pour « écouter » et « comprendre » le « non » irlandais au traité de Lisbonne, lors du référendum du 12 juin, mais beaucoup ont vu dans cette visite une volonté de forcer l’Irlande à un second vote jusqu’à obtenir un « oui ». Sarkozy avait choqué les Irlandais quand il avait déclaré la semaine dernière qu’il faudrait organiser un nouveau scrutin en Irlande sur ce traité. L’Irlande a été le seul pays obligé, par sa Constitution, à soumettre le traité européen à référendum.

Une presse peu amène

C’est donc un homme pressé par le calendrier qui est arrivé dans la capitale irlandaise peu disposée à s’en laisser compter. Nicolas Sarkozy a jusqu’au printemps pour faire revoter les Irlandais, sinon les élections européennes de juin se tiendront dans le cadre du traité de Nice, ce qui handicaperait gravement les destinées de « son » traité de Lisbonne. Celui-ci a été rejeté par référendum le 13 juin dernier par 53,4 % des Irlandais. Du côté irlandais, la presse était peu amène hier matin, envers le chef de l’État français, pour qui c’est la première visite en Europe depuis qu’il a pris les rênes de la présidence de l’UE le 1er juillet. Citant des sources gouvernementales, l’Irish Independant estimait que, pour le gouvernement irlandais, les propos du président Sarkozy parlant d’un nouveau vote des Irlandais « n’étaient pas une grande aide ».

Lors de sa rencontre avec Nicolas Sarkozy en début d’après-midi, le taoiseach (premier ministre) Brian Cowen a répété la position irlandaise : travailler à « comprendre les préoccupations qui avaient influé sur l’issue de ce référendum ». C’est une « étape indispensable avant de décider comment y apporter une réponse », expliquait le communiqué de l’Élysée en ajoutant la main sur le coeur : « Le président de la République a confirmé qu’il respectait le résultat du référendum irlandais mais s’est félicité de constater que le processus de ratification se poursuivait dans les autres États membres » de l’UE. Les deux hommes espèrent que le Conseil européen des chefs d’État d’octobre permettra d’ébaucher une issue.

Aucune percée n’est attendue

Venu « à l’écoute », Nicolas Sarkozy a surtout entendu les partisans du « oui » acquis à la cause du traité de Lisbonne, et battus à plate couture en juin. Il a rencontré dix-huit représentants de la société irlandaise : députés, responsables d’organisation socio-économiques, responsables associatifs, etc. Un parterre où le « oui » s’est taillé la part du lion avec onze représentants. Les chrétiens-démocrates et des travaillistes qui avaient appelé à voter « oui », sans doute peu sûrs d’eux, avaient demandé une réunion particulière après avoir refusé d’être « mélangés » aux autres personnalités conviées à la résidence de France. Seul parti au Parlement à avoir fait la campagne du « non », Sinn Féin était représenté par son président, Gerry Adams… député d’Irlande du Nord, Marie-Lou McDonald étant à l’étranger.

Aucune percée n’était attendue à l’occasion de cette visite, Dublin ayant exprimé le besoin de temps pour réfléchir à une sortie de crise. Si Sarkozy a admis lors de sa conférence de presse que « nous n’aurons pas la solution miracle », il a tenu cependant à mettre la balle dans le camp irlandais, histoire de les enfoncer une nouvelle fois : « C’est soit Nice, soit Lisbonne. La majorité des États n’est pas prête à ouvrir une nouvelle conférence intergouvernementale. » Quant au vote des Irlandais ? « On leur posera la question », a affirmé le chef de l’État. Plus tard bien sûr !

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